• Chapitre 63

    Le marché des fées est généralement organisé en différentes unités, une unité par quartier, comme le marché du village dans le passé. Normalement, ils sont organisés annuellement, et certains quartiers sont plus bondés que d’autres.

    Les routes dans Dragon City forment un réseau de transport intégré, si encombré par la circulation que les citoyens se disputent tous les jours au bord de la route. L'effervescence et l’agitation de la foule des piétons est aussi la plus importante. Et pourtant, la taille du marché des fées est basiquement la plus petite du secteur. 

     

    Même si la grande ville est dense en population, mélangée avec des myriades de bien et de mal, et il y a même la rumeur que ‘les légendes se cachent dans la ville’, ce n'est en effet pas un endroit idéal pour la cultivation. A moins d’avoir des liens avec les vivants, ou d'avoir fait tout le chemin pour compléter le karma, sinon la plupart des fées ne résident pas ici, pour leur propre bien.

     

    Une fois que le DES de Zhao s’est installé à Dragon City, un nombre incalculable de fées ont été ses pigeons, et encore plus l’ont appelé frère. Et pourtant, il n’a jamais été au marché des fées…. c’est basiquement un dîner de réunion de fin d’année pour les tribus des fées, ça n’aurait pas été approprié pour un étranger comme lui de les rejoindre, peu importe à quel point ils sont habituellement proches. 

     

    En y repensant, c’est la première fois qu’il est invité au festival de nuit des fées.

     

    Zhao s’assoit dans l’attelage stable, et ses lèvres se tordent soudainement en un sourire étrange non dissimulé.

     

    Shen demande : “Qu’est-ce qu’il y a ?”

     

    Zhao pince la main de She, qui l’a tenu tout le long. Au milieu du bruit des roues, il baisse sa voix. “Je pense que notre relation se développe de façon traditionnelle. D’abord, on se présente et on apprend à se connaître, ensuite on commence par se tenir la main, et maintenant on a des rencards. Je sens que l’on développe plus, on va bientôt arriver ‘au bout’.”

     

    Shen regarde hâtivement à l’extérieur de l’attelage ; il sait que les renards ont l’ouïe fine. Il baisse la voix et dit à Zhao : “Tu peux dire ces choses quand on sera rentré à la maison ce soir, mais pas maintenant.”

     

    Zhao dit : “Avec quoi dois-je le dire ?”

     

    Zhao rencontre le silence.

     

    Il continue avec un ton d’opéra, et une multitude d’expressions : “Mon bon grand frère, tu m’as tellement manqué, je ne peux plus le supporter, devient mien maintenant.”

     

    Shen dégage sa main. Après un moment, il voit la main de Zhao voler dans les airs, attrapant tout. Il hésite, et tient de nouveau sa main secrètement.

     

    Personne ne sait si le renard les a entendus, mais l’attelage a continué de rouler. Environ un quart d’heure plus tard, l’attelage s’arrête ; le renard lève les rideaux, et invite les deux à sortir. L’air frais se précipite à l’intérieur. De près ou de loin, le duo rugueux du guqin et xiao [ndlt : deux instruments de musique typique chinois] peut être entendu ; le ton est mélancolique, et pourtant les joueurs tentent de créer une atmosphère joyeuse avec, le résultat de la musique est assez étrange.

     

    guqin (instrument à cordes pincées)

     

    xiao (sorte de flûte)

     

    A l’entrée se tiennent deux portiers, avec des têtes de chevaux et des corps humains. Pas très loin, il y a un homme avec une queue de serpent… c’est l’une des règles non dites du marché des fées : toutes les fées doivent révéler une partie d’elles-mêmes en dehors de leur corps d’humain, pour que le nouvel arrivant le moins expérimenté puisse reconnaître tout le monde, et pour que moins de malentendus malheureux arrivent.

     

    L’homme-serpent sourit à Zhao, “Le Gardien est ici.”

     

    Il fait un froid glacial durant l’hiver, mais de par leurs natures, les fées-serpents tendent à ne pas sortir quand il fait froid. Ils évitent généralement les festivités, et envoient qu’un ou deux membres pour tous les représenter.

     

    Cette fée-serpent attendait clairement Zhao à la porte.

     

    Zhao écoute attentivement, et dit poliment : “Mes yeux ne fonctionnent pas aujourd’hui. J’espère que je n’ai pas mal entendu, ce doit être Oncle Quatre ?”

     

    L’homme-serpent hoche la tête : “Quelle surprise que le Gardien se souvienne toujours. Entrez, Zhu Hong m’a tout dit. Si vous avez besoin de quelque chose, dites le moi.”

     

    Shen tend la boîte laquée au portier-cheval, et aide Zhao à entrer.

     

    Une fois qu’ils sont à l’intérieur, c’est comme marcher sur une zone piétonne. La rue fait une centaine de mètres de long, pavée de dalle des deux côtés et divisée par une longue rivière étroite au milieu. Un petit pont de pierre traverse la rivière, avec de grandes tables déjà installées sur le pont. Les deux côtés de la rue sont incroyablement bondés, illuminés par des lanternes et décorés de pompons et de rubans. Pourtant, les piétons sont majoritairement à moitié bêtes et à moitié humains. Quelques fées ont installé des stands pour vendre leurs produits à d’autres fées. 

     

    Oncle Quatre le serpent marche devant, menant les deux sur le pont de pierre.

     

    La pierre froide a toujours une fine couche de neige, mais les petits piliers de pierre à une extrémités du pont est déjà entouré de feuilles de vignes, faisant pousser de petites fleurs jaunes peu abondantes. 

     

    Oncle Quatre reste immobile et dit aux fleurs : "Mlle Yingchun, le Gardien est là. S'il vous plaît, sortez pour le rencontrer."

     

    Au moment où il dit cela, la pousse isolée du jasmin d'hiver se développe soudainement et se répand instantanément de ce côté du pont, couvrant le pont d'un tapis de fleurs. D'innombrables petites et jeunes fleurs s'épanouissent sur le sol. Puis, une jeune fille surgit des lianes ; le haut de son corps est celui d'un humain, mais le bas de son corps est toujours relié à la végétation luxuriante, qu'il est pratiquement impossible de distinguer.

     

    D'après son apparence, elle semble avoir une quinzaine d'années. Avec une coiffure en double chignon, des yeux longs et étroits, elle ressemble à une jeune fille. Elle regarde Zhao, puis Shen.

     

    Pour une raison quelconque, Yingchun semble être plutôt effrayée par Shen. Elle ne fait que le regarder, puis se retourne rapidement vers Zhao, et ricane, "Oncle Chat Noir a dit que Guardian est un grand séducteur, pourquoi couvres-tu ton visage avec de si grandes lunettes de soleil ?".

     

    Zhao enlève les lunettes de soleil et les accroche à son col. "Pour attirer la sympathie... petite fille, quand tu verras un beau gars comme moi, mais que tu découvriras que je suis aveugle, tu auras peut-être envie de me donner plus de miel."

    Yingchun rit, puis regarde attentivement ses yeux. Elle fronce les sourcils et demande à Oncle Quatre : "Qu'est-ce qui se passe avec les corbeaux noirs ? Pourquoi font-ils du mal aux humains sans raison ?"

     

    L'oncle Quatre la tapote sur la tête, baisse les yeux et ne dit rien.

     

    Yingchun jette un coup d'œil autour de lui. "La Tribu du Corbeau n'a envoyé personne cette année ?"

     

    "Pas seulement ici, mais dans tous les festivals de nuit dans d'autres régions aussi." Oncle Quatre dit : "Tu n'as pas besoin de t'embêter avec ça, concentre-toi sur ta culture, et fais éclore de belles fleurs quand le printemps arrivera."

     

    Yingchun murmure, un peu contrariée. Elle sort une petite bouteille, et la pose sur la paume de Zhao, "Notre chef m'a dit de te donner ça. Il a même dit que si Guardian a besoin de quelque chose à l'avenir, il suffit de le lui dire, nous sommes tous prêts à écouter tes ordres."

     

    Zhao est stupéfait, "Mes ordres ? Non, non, non, votre chef est bien trop gentil..."

     

    Sa voix est interrompue, et un petit singe surgit de nulle part pour sauter sur les tables du pont et frapper lourdement des gongs en cuivre dans ses mains.

     

    Les fées se taisent immédiatement, et de nombreuses tables en pierre apparaissent le long de la rue. Yingchun fait "oh", et dit, "Le dîner va commencer, je dois me produire. Grand frère Gardien, c'est tout ce que je peux dire pour le moment, veuillez m'excuser. Prenez soin de vous !"

     

    “Attendez…”

     

    Avant que Zhao ne puisse continuer, Yingchun se transforme en un balai de vignes fleuries, et couvre rapidement toutes les tables du pont de pierre. Chaque poteau des clôtures est entièrement enveloppé de vignes, et la petite plate-forme du pont de pierre est rapidement égayée et remplie d'exubérance.

     

    Zhao n'a pas encore retiré sa main de sa poche. Dans sa poche se trouve une petite pochette en lin, offerte par Da Qing, qui prétend qu'elle provient de l'ancien Gardien... et il semble donc qu'il s'agisse d'un trésor de son ancienne vie, ou de l'ancienne vie de son ancienne vie, etc... Il s'agit d'une petite coupe en jade sur laquelle sont gravés des motifs de fleurs de lune, indescriptiblement complexes et enchanteresses. On dit que la coupe peut préserver le clair de lune ; pour la culture des fées des fleurs, ce serait un objet inestimable.

     

    Zhao avait l'intention de l'échanger contre le miel des Mille Fleurs, mais il n'aurait jamais pensé que la fée lui remettrait le miel sans prix, comme une offrande à une divinité.

     

    L'attitude des fées des fleurs à son égard, associée aux corbeaux noirs qui l'ont attaqué, semble avoir des implications impensables. Zhao réfléchit, et se retourne pour demander à Shen de partir. Mais en faisant cela, il se heurte au coin d'une table en pierre.

     

    Shen s'accroche à sa taille, l'enlaçant, et bloquant les regards furtifs de plusieurs fées qui les observent avec curiosité. Il dit à l'oncle Quatre : "Nous avons ce que nous sommes venus chercher ici, puisque c'est le rassemblement des tribus de fées pour le dîner. Après tout, nous, les étrangers, allons nous voir dehors. Nous ne voudrions pas vous déranger, n'est-ce pas ?"

     

    L'oncle Quatre aperçoit ses gestes possessifs et dit majestueusement : "Ils ont déjà mis les tables pour vous ; nous vous traitons comme nos plus honorables invités. S'il vous plaît, restez pour quelques verres avant de partir, vous voulez bien ?"

     

    Shen fronce les sourcils.

     

    Oncle Quatre dit : "L'année prochaine est l'année de notre tribu... l'année du serpent. Je vais organiser les activités de ce soir, veuillez m'excuser."

     

    Avant que Shen ne puisse rejeter, il monte fermement sur la petite plate-forme, sa longue queue de serpent traînant derrière lui et ses longues manches balayant presque le sol. La musique recommence, mais il ne s'agit plus d'un duo sinistre ; cette fois, ils jouent des chansons rituelles des temps anciens.

     

    De loin, une voix féminine lumineuse chante, "Viens du Ciel et de la Terre, nées du Mont Buzhou."

     

    Toutes les fées sont solennellement réduites au silence. L'oncle Quatre fait claquer ses manches, baisse les yeux et reste immobile. Il commence d'une voix grave : "L'ancien se fane, le nouveau approche. C'est la fin de l'année, toutes les fées s'inclinent devant les Trois Saints. Inclinez-vous devant le Dieu Primordial des Montagnes. Inclinez-vous devant nos grands ancêtres..."

     

    Les fées se lèvent toutes, et s'inclinent silencieusement vers le nord-ouest.

     

    La voix féminine continue à chanter avec des tons allongés.

     

    "Terres des temps primitifs, collines aux formes non jointes. Pics bordés de nuages, piliers des cieux. Fils du Dieu du feu, roi de toutes les mers. Touche les dragons appelés, les étoiles feront tourner le temps..."

     

    Zhao lève les sourcils d'étonnement et chuchote à Shen : "A propos de qui chante-t-elle ? On dirait Gonggong le Dieu de l'eau."

     

    Shen fronce toujours les sourcils, et son visage s'assombrit un peu plus chaque minute. Il entend sa question, et hoche la tête, répondant succinctement, "Euh, c'est lui."

     

    Zhao continue : "Est-ce la partie où Gonggong a renversé le mont Buzhou ?"

     

    Shen répond encore une fois de manière incroyablement brève.

     

    Zhao demande à nouveau : " Mais Gonggong n'est-il pas le Dieu de l'eau ? Qui est ce Dieu Primordial des Montagnes ? Le dieu des montagnes du Mont Buzhou ?"

     

    Cette fois, Shen reste silencieux pendant un moment, puis répond vaguement : "Euh... peut-être ? Je ne suis pas trop sûr de ce qui s'est passé à l'époque."

     

    Zhao semble avoir entendu quelque chose d'après le ton de sa voix, et il cesse de poser des questions. Du doigt à la paume, il tape sur le rythme de la chanson.

     

    La chanson des fées est longue et raconte la bataille entre Zhuanxu et Gonggong, comment Gonggong a fait s'effondrer le mont Buzhou de rage.

     

    La légende dit qu'à cause de l'inconsidération de Gonggong, le monde a commencé à avoir l'ordre du soleil se levant à l'est et se couchant à l'ouest. Cette histoire semble être très liée à la façon dont les fées sont apparues, et pourtant, quel est le lien exact, les paroles ne le disent pas explicitement.

     

    De nombreux récits historiques sont incomplets, et tout ce que l'on peut déduire de ces bribes d'informations est que "c'est plus que ce que l'on croit". Sans compter qu'il s'agit de récits datant de la nuit des temps, qui racontent des légendes et des mythes de dieux loin d'être exacts. Zhao sait qu'il ne devrait vraiment pas s'embourber dans des textes séculaires, et pourtant il ne peut s'en empêcher. C'est comme si une voix dans son cœur lui disait que ces histoires, qui semblent insignifiantes et sans rapport, ont en fait un sens profond.

     

    Il est inouï que des divinités primordiales prennent deux emplois en même temps. Si Gonggong est déjà le Dieu de l'Eau, alors il ne peut pas être le "Dieu primordial des Montagnes" que les fées vénèrent juste après les Trois Saints.

     

    Quel chef de quel village de montagne est entré dans l'histoire comme une figure pieuse ?

     

    Les doigts de Zhao se crispent. Il se souvient soudain de ce qu'a dit la fée corbeau. Un mot émerge dans son esprit... Kunlun.

     

    Après un très long moment, les fées terminent leur adoration. De belles femmes fées se précipitent d'avant en arrière, versant du thé, du vin, et apportant des plats. Le dîner de retrouvailles des fées commence officiellement.

     

    Shen utilise la conduite comme excuse pour refuser le vin. Il regarde Zhao boire une tasse, et demande instamment : "On devrait partir."

     

    Zhao acquiesce et s'apprête à se lever.

     

    Il entend une agitation au sein de la foule des fées.

     

    Zhao écoute attentivement, "Qu'est-ce qui ne va pas ?"

     

    Shen regarde la haute plateforme, "Le serpent a poussé une demi-fée sur la scène. La chose suinte de la fumée noire et empeste le sang. Il a probablement fait beaucoup de choses terribles. Pour éviter que le châtiment des Cieux n'affecte d'innocentes fées, ils l'exécuteront en premier. C'est une vieille tradition."

     

    Si Guo était là, il reconnaîtrait que c'est le même gars qu'il a croisé accidentellement.

     

    Zhao écoute, et se rend compte qu'il s'agit des affaires de famille des fées, et donc il se désintéresse. Alors que l'oncle Quatre récite les nombreux péchés, il demande à Shen de lui tenir le bras et de l'aider à sortir.

     

    Alors qu'ils sont sur le point de partir, l'oncle Quatre en a fini avec les accusations. Il annonce : "Demi-fée de la tribu des Corbeaux, qui s'est écartée du droit chemin. Il a fait du mal à beaucoup de gens et a enfreint les lois des cieux. C'est une honte pour notre espèce. Maintenant je vais débarrasser notre espèce des hors-la-loi, et exercer la justice pour les Cieux..."

     

    "Tribu des Corbeaux" a arrêté Zhao et Shen à leurs pieds.

     

    Simultanément, une voix interrompt Oncle Quatre : "Attendez !"

     

    La voix est incroyablement grossière, avec un soupçon de mauvais présage indescriptible.

     

    Shen pousse Zhao derrière lui, et son regard se fige... à l'entrée du marché aux fées se tient une rangée de figures noires et hideuses, toutes chargées de plumes noires et portant des ailes.

     

    C’est la tribu des corbeaux.

     


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