• Chapitre 59

    Shen se fige pendant un moment. Ensuite, il tend doucement sa main, sous la lumière ardente du soleil de midi, la bougeant devant les yeux de Zhao.

     

     

    Le regard de Zhao a un léger soupçon de misère et de confusion, et il ne réagit pas du tout face au mouvement de Shen. Le coeur de Shen s’alourdit.

     

    Au vu de son silence, Zhao sent que quelque chose ne va pas, et, par réflexe, se tourne sur le côté. “Shen Wei ?”

     

    Zhao fronce les sourcils, et soudainement tend sa main, attrapant précisément la main de Shen, comme si il s’attendait à ce que Shen face un mouvement comme ça. La main de shen est aussi froide que du porcelaine, et Zhao dit après un moment de silence. “Oh… alors quelque chose ne va pas avec mes yeux ?”

     

    Ses yeux ne peuvent pas voir, alors le regard de Zhao apparaît comme étant exceptionnellement misérable, bougeant dans toutes les directions, sans un endroit où  se poser. Soudainement, Shen serre le poing, et force sa voix à rester basse “Je vais t’amener immédiatement à l’hôpital.”

     

    Sur la route, Zhao est exceptionnellement silencieux, ne disant presque rien. Et qui sait ce qu’il pense. Alors qu’il sort de la voiture, il a parfois un regard perplexe pendant qu’il marche. 

     

    C’est vraiment stressant pour un homme ordinaire de perdre soudainement la vue. Il ne sait pas vraiment quelle jambe lever lorsqu’il marche, et il ne peut s’empêcher d’attraper tout ce qu’il peut atteindre… même si Shen tient sa main. Parfois, il ne peut pas dire dans quelle direction Shen l’amène, surtout quand ils tournent.

     

    Ceux qui ne voient pas bien ont généralement leurs autres sens qui sont affûtés, mais c’est le résultat d’une habitude de long terme et un entraînement inconscient. Si une personne perd soudainement la capacité de voir, ses réflexes sont ralentis, et il ne peut s’empêcher de trop se concentrer sur ce qu’il entend. Sans sa vision, il est difficile de discerner les sons ; en plus de ça, son sens de l’équilibre est aussi affecté, et ça lui prend un moment pour réagir à Shen qui le tire.

     

    Peut-être que le fantôme visage l’a frappé un peu fort, ou ce sont ses nombreuses blessures qui ressortent toutes, mais Shen trouve son visage exceptionnellement pâle. Zhao semble être assez calme par rapport au fait de devenir aveugle : il ne panique pas, ou ne râle pas. Il a seulement un visage neutre, avec ses sourcils légèrement froncés.

     

    Shen sait bien qu’il fait habituellement ce visage, c’est seulement qu’il change immédiatement de tête dès que quelqu’un le regarde… mais maintenant il ne sait pas si quelqu’un le regarde.

     

    L’expression de Shen s’assombrit immédiatement, et un soupçon d’agressivité émerge entre ses sourcils. Pourtant, ses mains aident Zhao a avancer avec une tendresse grandissante.

     

    Les infirmières tremblent presque de peur alors qu’elles éloignent Zhao de lui. Elles ne peuvent s’empêcher de penser que ce gentleman à lunettes ressemble à un mafieux dans un film  policier qui abat les personnes comme des cochons mais qui prie Bouddha et qui est végétarien.

     

    Comme prévu, les yeux de Zhao n’ont pas de problèmes apparents : pas de blessures, pas de maladie, et pourtant il ne peut pas voir…. Les médecins trouvent ça très étrange, et après presque toute une journée, ils impliquent subtilement que la cécité peut avoir une cause mentale, et lui conseillent de voir un psychiatre.

     

    Quand ils sortent de l’hôpital, le ciel est déjà noir. Et finalement, comme un cafard robuste, Zhao s’ajuste à sa vie d’aveugle à une vitesse surprenante. Alors qu’ils partent de l’hôpital, Zhao attrape Shen et dit “Le ciel est probablement sombre.”

     

    Shen a été plus effrayé par le fait qu’il ne parle pas, alors il se hâte de lui poser une question pour l’encourager à en dire plus : “Comment tu l’as su ?”

     

    Zhao dit, “Je sens que l’air est un peu plus humide, et frais, alors le soleil est probablement déjà couché.”

     

    Shen ouvre la porte de la voiture, une main lui montre le chemin, l’autre bloque le toit de la voiture pour qu’il ne se cogne pas la tête. Ensuite il se penche, et l’aide à mettre sa ceinture, et alors qu’il se relève, il voit que Zhao sourit. Shen demande : “Pourquoi tu souris ?”

     

    Zhao dit : “Je pensais, si un jour je suis vieux et sénile, et que tu continue de prendre soin de moi comme ça. Et si je ne reconnais plus les visages des personnes, et que je t’appelle papa ?”

     

    Shen ne répond pas.

     

    Même si il est heureux de voir Zhao sourire, parfois Shen ne peut pas comprendre son sens de l’humour excentrique.

     

    Zhao fantasme pendant un moment, et rigole même. Ses mains commencent à toucher à tout ; Shen s’installe sur le siège conducteur, et tient sa main. Zhao le secoue un peu : “Oi, si je t’appelle papa tu ne peux pas répondre, ne prend pas avantage de moi quand je suis sénile.”

     

    Shen est sans espoir : “Ce serait géniale si tu étais sénile.”

     

    “Quoi ?” Zhao feint l’étonnement, et tient son col. “Qu’est-ce que tu veux me faire ? Tu veux m’enfermer pour me forcer dans un jeu d’amour interdit ?”

     

    Shen cligne des yeux. Il sait que ce sont juste les conneries habituelles de Zhao, et pourtant il ne peut s’empêcher d’imaginer…

     

    Zhao ricanne de façon perverse, et continue. “En faite, je pense que c’est une possibilité.”

     

    Shen est encore silencieux. 

     

    Alors que la voiture commence à bouger, Zhao ne peut pas supporter le fait d’avoir été introverti pendant presque toute la journée, et commence à faire son show comme un enfant retardé.

     

    Il trouve les boutons pour ajuster son siège, et l’ajuste encore et encore, comme un singe idiot qui joue dans la voiture. Il présente aussi occasionnellement ses idées à Shen “Hey, je te le dis, être aveugle est assez marrant. Il y a cette pièce pour expérimenter la noirceur en ville, pour 40, alors maintenant j’économise 40 dollars.”

     

    Shen répond, et sourit malgré lui ; il ne voit vraiment pas en quoi ça peut être amusant.

     

    Shen arrête la voiture chez Zhao, et lui dit de ne pas bouger. Et pourtant, une fois la voiture arrêtée, Shen voit Zhao marcher dans la rue par lui-même, s’entraîner à marcher en ligne droite, comme marcher sur des échasses.

     

    La ligne droite n’est pas mauvaise, c’est juste qu’il se dirige droit sur un lampadaire.

     

    Ce gamin se met tout seul en danger…

     

    Shen court et lève Zhao par la taille, et les côtes de Zhao reposent sur l’épaule de Shen.

     

    Peut-être que c’est une expérience excitante d’être levé dans les airs en étant aveugle, quand Shen le repose, Zhao siffle joyeusement.

     

    “Je pense que mon équilibre est plutôt bon, je peux marcher droit.” dit Zhao, et ensuite il baisse la voix. “Peut-être que je peux même…”

     

    Même si Shen n’a pas entendu, mais il le voit sourire doucement.

     

    Shen tapote son bras, et se baisse : “Il y a des escaliers devant, je vais te porter.”

     

    Zhao se tient sur le côté, souriant, et sans dire un mot.

     

    Shen se tourne, et lui dit doucement : “Quoi ? Vient.”

     

    Zhao trouve la main de Shen, la caresse doucement, et ensuite la lève, et baisse sa tête pour un baise-main : “Je ne peux pas te laisser me porter, je suis trop lourd, et si tu es blessé ?”

     

    Shen ne dit rien.

     

    Celui-là n’a probablement pas compris qui l’avait porté jusqu’à la maison hier soir.

     

    Après avoir dit ça, Zhao avance doucement. Si il n’avait pas tapé doucement les marches pour savoir où elles étaient, Shen aurait pu croire que sa vue était revenue. 

     

    Il monte à l’étage, la tête haute, le torse gonflé ; montant en douceur les marches un pas à la fois, chaque marche a la même distance, et finalement il arrive à l’ascenseur. Il trouve le bouton, appuie, et se met sur le côté en attendant Shen.

     

    Shen marche volontairement avec des pas lourds "Comment as- tu su où était l’ascenseur ?”

     

    Zhao dit de façon arrogante et sans honte : “Quelqu’un d’aussi observateur que moi connaît l’endroit où il vit comme le dos de sa main, n’est-ce pas ? Combien il y a de marche dans les escaliers, combien de pas des escaliers à l’ascenseur, je n’ai pas besoin de voir, je sais tout.”

     

    Shen sait que ce sont des conneries, comme si il était vraiment aussi intelligent… il ne peut même pas trouver sa tasse de thé et ses chaussons sans secouer sa main dans tous les sens. Il a dû compter le nombre de pas quand ils ont quitté l’appartement cet après-midi.

     

    C’est probablement dans sa nature : peu importe ce qu’il se passe, Zhao donne toujours le sentiment aux autres que ‘ce ‘nest pas grand chose’. Parfois, même quand les autres personnes savent que c’est important, ils ne peuvent s’empêcher d’être influencés par son attitude.

     

    Il est juste si désireux de sauver les apparences.

     

    Zhao ouvre la porte et entre, et il entend d’en dessous, “Si tu oses poser ton sale pied sur ma queue tu es mort.”

     

    “Da Qing ?”

     

    Zhao se baisse et le caresse. Da Qing sent immédiatement que quelque chose ne va pas ; il monte sur son bras, et se tient sur son épaule, le regardant attentivement, et demande, “Qu’est-ce qui se passe avec tes yeux ?”

     

    Zhao marche dans l’appartement avec ses mains pour se quitter, et il dit négligemment. “Ma capacité est désactivée.”

     

    Shen le relève “Attention.”

     

    Zhao est presque entré dans le cadre de porte.

     

    Da Qing est choqué, et descend de lui et ensuite sur le sofa rapidement, “Qu’est-ce qu’il s’est passé !?”

     

    Ensuite il regarde négligemment Shen, avec un regard interrogateur… puisque que Shen est déjà allé au n°4 Bright Avenue, Da Qing n’a pas vraiment besoin de cacher le fait qu’il est un chat qui parle. 

     

    Shen dit immédiatement : “C’est de ma faute.”

     

    Zhao ne sait pas si il doit rire ou pleurer : “En quoi c’est de ta faute maintenant ?”

     

    Sa main attrape l’air, et Da Qing regarde sa main qui suspendu en l’air, avec un visage de chat agacé aux yeux plissés, il dit : “Je le fais seulement parce que j’ai pitié de toi.” Et il frotte sa tête dans la paume de la main de Zhao.

     

    Zhao sourit, et dit avec un ton incertain : “Ne sois pas inquiet, il n’y a pas de bien sans mal.”

     

    Il trouve le canapé et s'assit, sort une cigarette, et la tend à Da Qing en disant de façon autoritaire : “Je ne peux pas voir, allume-la pour moi !”

     

    Après un moment de silence, il s’enroule silencieusement en une boule de fourrure, lui tournant le dos, et l’ignorant.

     

    Shen prend sa main, allume la cigarette avec un briquet, et lui tend le cendrier.

     

    “La nuit dernière, j’ai rencontré un corbeau féérique.” Zhao réfléchit et résume brièvement ce qu’il s’est passé la nuit derrière, avec quelques commentaires. Il continue, “et il m’a parlé de… un endroit à la Mer de l’Ouest, et à la Mer du Nord, le nombre de kilomètre depuis le rivage, et ensuite je n’ai pas vraiment compris, certainement quelque chose à propos d’une montagne.”

     

    Da Qing est choquée, mais Shen comprend immédiatement, et son visage s’assombrit : “Ne parle pas de ça, comment tu t’es fait mal aux yeux ?”

     

    “N’en parle même pas.” Zhao secoue la main, et décrit brièvement son expérience la plus malheureuse, exprimant clairement sa haine envers les cloches. Da Qing se lève soudainement, “Quel genre de clochette ?”

     

    “Je l’ai.” Shen met sa main dans sa poche, et sort une clochette dorée poussiéreuse, “est-ce que tu parles de ça ?”

     

    Les iris de Da Qing se contractent et sans attendre la réponse de Zhao, il interrompt. “Comment s’est arrivé en ta possession ?”

     

    Shen regarde Zhao, s’arrête, et dit subtilement, “Eh bien… la personne qui t’a ramené hier soir me l’a donnée.”

     

    Da Qing tourne en rond autour de la main de Shen, fixant la petite cloche pendant un moment, et dit soudainement d’une voix grave, “C’est la mienne.”

     

    “C’est de mon… premier propriétaire.” Da Qing regarde Zhao. “Il l’a mit autour de mon cou, il y a une centaine d'années, mais je l’ai perdu à cause d’un accident.”

     

    Zhao tend la main : “Laisse-moi voir.”

     

    Shen retire sa main : “Tu ne peux probablement pas encore la soulever.”

     

    Maintenant qu’il pense à l’histoire sombre de la dernière fois, Zhao recrache un nuage de fumée avec mélancolie ; il ne peut même pas porter la clochette que son propre chat porte autour de son cou… à quel point c’est pathétique !

     

    Au même moment, Da Qing baisse la tête, récupère la clochette avec sa bouche, et sans un mot, sort par la fenêtre.

     

    Aussi dodue et insouciant qu’il est, il est assez rare de le voir aussi perturbé émotionnellement.

     

    Zhao écoute “Da Qing ?”

     

    “Parti.” Shen ferme la fenêtre, se penche, et caresse le coin de ses yeux “Je vais trouver un moyen de te soigner.”

     

    Zhao pense à quelque chose, et rigole soudainement, “En fait, ce n’est pas pressé.”

     

    Shen a le sentiment que rien de décent ne va être dit ensuite. Comme prévu, Zhao est toujours aussi pervers et persistant comme toujours, même en étant aveugle, et il continue : “Maintenant que je ne peux pas voir, c’est assez inconvénient, est-ce que tu peux prendre une douche avec moi ce soir ?”

     

    Shen tape sa main de porc sale et lascive qui commence à torturer ses fesses.

     

    Sans un mot, il se tourne et se dirige vers la cuisine. 

     

    Zhao retient son sourire, ferme les yeux, et s’allonge sur le canapé. Il écoute les bruits de la cuisine, et dans le noir totale, il ressent une tranquillité rare. Il profite presque du moment, et comme il se détend de plus en plus, il voit soudainement des ombres étranges, vaguement à distance.

     

    Il ouvre brutalement les yeux, et pourtant il ne peut toujours pas voir. Les ombres sont parties. 

     

    Zhao calme son esprit et se concentre. Il ferme encore les yeux, compte ses respirations, et débarrasse son esprit des pensées parasites, après un moment, il recommence à voir des ombres. Sur sa droite, il voit un morceau vert, brillant et vacillant, très doucement, et avec une beauté exceptionnelle dans ses mouvements flottant… la silhouette est familière.

     

    Après un moment, Zhao pense : c’est la direction de la fenêtre, et il y a un pot de fleur qu’un ami lui a offert.

     

    C’est… son troisième œil.

     

    Alors il semblerait que son troisième œil ne dépende pas de sa vue normale.

     

    Zhao se concentre sur l’espace entre ses sourcils, et commence à voir clairement son environnement. Il ‘voit’ de plus en plus de choses autour de lui : les fleurs sur le rebord de la fenêtre, la fourrure de chat sur le canapé, quelques livres antiques sur les étagères… et des peintures anciennes précieuses sur le mur. Mais des choses comme le canapé, la table basse, le lit… les choses sans énergie spirituelle sont toujours invisibles pour lui.

     

    Zhao ‘regarde’ son corps, et voit un tourbillon de lumière blanche ; une boule flamboyante tient sur son épaule droite, mais pas sur la gauche, il n’y a rien.

     

    Ce genre de lumière lui est très familière… il sent qu’il l’a déjà vu avant.

     

    Soudainement, Zhao se lève, ses genoux se cognent dans la table basse, mais il ne s’en soucie pas, alors qu’il se dirige vers la cuisine.

     

    Il entend le son du hachage, mais il ne voit pas Shen, qui est plongé dans la noirceur, ou encore plus sombre que la noirceur… la seule chose visible est son petit pendant, qui contient une petite lumière flamboyante, identique à celle sur son épaule droite.

     


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